Home > Famille et Enfants > Enfants > Les amitiés de nos enfants en expatriation

Merci à Isabelle pour la révision du texte!

L’amitié de mes enfants en expatriation a toujours été pour moi un point sensible. Particulièrement en ce qui concerne le premier enfant qui, comme nous le savons, est toujours un pionnier face à diverses situations  et révélant souvent une grande sensibilité dans ses relations humaines. Lorsque les enfants sont jeunes il est bien sûr plus facile les aider à socialiser – à ce stade, on ne parle pas de véritables amitiés, mais de partager des moments de jeux, le temps, des activités. Souvent les mamans (expatriés ou non) sont plus stressées dans les premier temps de la vie des petits, et recherchent volontiers la compagnie d’autres mères et de leurs enfants, avec qui leurs fils et filles peuvent interagir.

cumple matLes problèmes apparaissent lorsque les enfants grandissent et développent leur personnalité, leurs goûts, leurs préférences. Etre sédentaire peut permettre de  leur offrir un cadre régulier et surtout s’organisant autour d’une routine, de références culturelles et de langues définies .En revanche, une vie en expatriation les soumet  constamment à la nécessité de redémarrer le (parfois lourd) processus de reconstruction des amitiés. Comment pouvons-nous aider nos enfants à se faire et garder des amis/amies dans notre nouveau pays ? Bien sûr, je parle de mon expérience personnelle de mère expatriée en Afrique, Amérique Latine et maintenant au Moyen-Orient, ce qui peut signifier évidemment une vie différente de celle d’une mère expatriée aux États-Unis ou en Asie. Parce que bien sûr derrière les enfants il y a des parents, et les parents incarnent les valeurs et les coutumes culturelles qui nous sont inconnues quand nous arrivons dans un nouveau pays, et peut-être très différentes des nôtres. Ainsi, lorsque nous sommes arrivés au Honduras, pour le premier anniversaire d’Alessandro (8 ans à l’époque), lors de  l’organisation de la fête j’ai fait comme en Italie et en Afrique: j’ai demandé à l’enseignant de distribuer  les invitations à tous les enfants de la classe, je me suis ensuite procurée la liste des parents, afin de les contacter un par un et vérifier s’ils avaient reçu l’invitation et si je pouvais compter sur leur présence. Tous ont confirmé avec enthousiasme et pourtant personne ou presque n’est venu.

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Expérience certes traumatisante mais je me suis immédiatement rendue compte que si je voulais que mes enfants aient une vie sociale intéressante, je devais  sacrifier mon temps et prendre des mesures à plusieurs niveaux, à savoir:

– Être disponible et récupérer à l’école un grand nombre de petits démons hurlants, les ramener à la maison, et finalement les raccompagner à leur domicile ou fixer un lieu de rendez-vous en ville parce que, à Tegucigalpa et à Lima, nous vivions  dans des quartiers  éloignés  de l’école et que la plupart du temps  les amitiés de garçons se créent au sein de l’école.
– me faire connaître des  parents des amis de nos enfants  afin de les mettre en confiance. En effet la curiosité que l’on suscite en temps qu’étrangers n’est pas suffisante pour que les autres parents nous approchent. Il  convient également de leur faire comprendre  que nous veillerons sur leurs  enfants pendant les activités,  qu’un repas sera prêt  et qu’enfin nous serons attentifs aux programmes de télévision afin qu’ils ne regardent pas n’importe quoi .
– Veiller à ce que le séjour des copains à la  maison soit le plus amusant et intéressant possible, de sorte qu’ils aient toujours envie de revenir. Dans cette perspective, nos enfants ne doivent pas être laissés seuls : préparer des bons goûters, acheter des petits jeux, donner aux enfants le matériel nécessaire pour jouer de manière créative, et les laisser libres d’utiliser la maison comme un endroit pour jouer et non d’interdictions , sont certaines des tactiques que j’ai utilisées  avec succès dans nos pérégrinations
– Essayez de faire le lien avec les parents: les amitiés entre les adultes est le meilleur moyen d’offrir à nos enfants la possibilité de rencontrer leurs amis, dans une atmosphère de joie partagée.

Tout ça a fonctionné très bien pour nous au Honduras, et avec un peu plus de mal au début, au Pérou. Je ne compte pas les hordes de garçons / adolescents que j’ai nourris  de pâtes et de pizzas, ou le matelas dégonflé le matin et les draps retirés. Je ne sais pas combien de kilomètres j’ai parcouru avec une voiture pleine (parfois illégalement!) de créatures de tous âges, qui criaient, même si ils étaient trop serrés dans la voiture mais trop heureux  d’aller jouer et se détendre après un jour d’école. Je suis incapable de me souvenir du nombre de coups de téléphone que j’ai passés en différentes langues et des conversations partagées avec  tant de parents.

L’une des choses les plus importantes pour moi pour aider vos fils et  filles dans leurs amitiés est de participer autant que possible à leur vie scolaire. Une mère qui est déléguée de classe se  construit un réseau social privilégié afin de pouvoir contacter les parents et les camarades de classe de ses enfants . De même elle  sera également au courant des choses et des situations qui peuvent indirectement favoriser leurs relations et par conséquent avoir un impact positif sur leurs amitiés. Cela leur permettra aussi de découvrir beaucoup plus rapidement les  règles qui régissent les relations entre les jeunes et les adultes.

 

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Sur le trampolin à Tegucigalpa…

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…et à Lima!

 

 

 

 

 

 

 

Un autre de mes conseils serait d’investir dans un trampoline même si vous avez un tout petit bout de jardin. Le  trampoline est indissociable  de notre histoire familiale , de notre vie à l’étranger et des amitiés de mes enfants. Le  premier, nous l’avons acheté au Honduras, quand Mattia avait 3 ans et Alessandro 8. Sur ce  trampoline, ils ont tout fait : sauté (bien sûr), mangé, joué, fait les devoirs, parlé, regardé les étoiles, récité les leçons …le  trampoline a longtemps été le symbole de la fête, de la détente,  des relations libres et joyeuses.  Lorsque nous avons quitté le Honduras, pour mes enfants se séparer de leur trampoline a été presque aussi difficile que quitter leurs amis. Et c’est pourquoi le premier Noël au Pérou, nous leur avons fait découvrir un nouveau  trampoline sous l’arbre du jardin, le même que celui  qu’ils avaient au Honduras. Dans la maison de Lima,  il a aussi été l’élément central autour duquel les jeux se sont organisés et les amitiés nouées ; depuis les sauts incessants des petits garçons aux soirées animées où bières, guitares chansons  et cris de jeunes  filles étaient au rendez-vous. Des soirées parfois même trop bruyantes pour nos voisins et qui nous ont valu une amende salée pour tapage nocturne ! J’ai conscience que le trampoline peut être dangereux , mais  nous avons toujours rappelé à tout le monde qu’il était indispensable de faire attention et ne pas faire n’importe quoi sur le trampoline. De fait, en  dix ans nous n’ avons connu que  deux accidents :  une fois lorsqu’ Alessandro s’est cassé le poignet gauche, et un autre quand un ami de Mattia s’est fracturé le col de l’humérus. Au final, le trampoline aura été un excellent investissement et un jeu extrêmement  constructif et positif sur le long terme ☺

enfants en expatriationMais comment faire à la fin d’un  séjour dans un  pays? Comment aider nos enfants à dire au revoir aux amis qui, pendant des mois ou des années, ont peuplé leur vie quotidienne, avec lesquels ils ont grandi, ils ont ri, joué, appris et peut-être souffert un peu ? Lorsque nous avons quitté le Honduras j’ai  vraiment eu le cœur brisé en voyant  la souffrance d’Alessandro. Mattia était plus jeune  (et il est indéniable que les amitiés ont un poids différent dans leur vie selon l’âge) et a moins souffert. Facebook n’existait pas encore, les familles (au moins pour la notre c’était ainsi) partageaient encore un seul ordinateur, et l’amitié se poursuivait alors  grâce à l’envoi de  cartes postales ! A ce stade, nous nous sommes concentrés davantage sur l’adaptation à Lima que sur un travail de deuil autour du pays quitté le Honduras. Mais lorsque  nous avons quitté le Pérou, Mattia (12 ans) a vraiment beaucoup souffert, ça été un véritable déchirement. En effet,  Mattia, contrairement à Alessandro, fonctionnait avec peu d’amis, mais de très bons amis. Tandis que son frère  évoluait autour de  personnes de tous types, âges et nationalités, Mattia s’accrochait plutôt à une poignée d’amis avec lesquels l’affection était profonde et viscérale. Avec ses amis il avait également monté un groupe, dans lequel il jouait de la batterie, qui s’appelait Dilemma, grâce auquel il a pu  vivre des merveilleux moments de  compréhension, créativité et tout simplement grandir. Lorsque  nous avons quitté le Pérou, mes garçons étaient dans deux phases totalement différentes: Alessandro en avait terminé avec  l’enseignement secondaire, et s’apprêtait à commencer ses études supérieures tandis que Mattia, qui était parfaitement heureux dans ce qu’il ressentait comme sa vraie patrie, a vécu le départ de Lima  avec beaucoup de douleur et de violence. L’incertitude entourant notre prochaine destination, le bouleversement émotionnel de devoir se  réinstaller en Italie, ainsi que la séparation d’ avec son frère et les fréquents voyages de travail de son père ont accentué les difficultés à surmonter.

 

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Mattia en Toscane avec trois amis du Pérou

 

Cependant, depuis notre départ du Honduras, quelque chose avait changé : la création de facebook. Pendant des mois, mes enfants ont ainsi continué à vivre sur le fuseau horaire du Pérou , ils passaient des nuits à discuter avec leurs amis, jouer avec eux en ligne, échanger des messages. Cela a certainement contribué en partie à apaiser la douleur de la séparation.
Puis, la situation a évolué pour mes deux enfants. Alessandro s’est installé à Lyon, en France, et ça a été avec une grande joie que nous avons constaté que beaucoup de ses camarades de classe à Lima avaient choisi la France pour poursuivre leurs études, et un grand nombre s’est même installé à Lyon! Cela a permis à Alessandro de commencer sa tranche de vie, sans nous,  avec le soutien d’amis qui, tout en fréquentant d’autres écoles et universités, ont été un point central dans ce moment de perte totale de références affectives. D’autres amis se sont installés à Paris, certains à Montpellier, et dans d’autres villes. Cela signifie qu’ils organisent régulièrement des réunions dans différentes régions de l’hexagone. A Lyon, Alessandro a également retrouvé des amis du Honduras! Et pendant ces deux années passées en France, il y a eu des moments de rencontres, de réjouissances, de solidarité et et d’amitiés, au sein de ce groupe d’anciens ‘sud-américains’. Ce fut un grand soulagement pour nous,  de savoir qu’Alessandro qui, en dépit, d’avoir vécu dans cinq pays différents en dix-sept ans, peut être fier d’avoir conservé de solides amitiés sur lesquelles il peut s’appuyer.

 

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Nouveaux amis pour Mattia à Jerusalem

 

Du côté de Mattia, son séjour forcé à Milan lui a permis de mûrir et d’aborder  son arrivée à Jérusalem avec plus de sérénité, de confiance et un bon état d’esprit. Il a également eu la chance (nous avons aussi besoin de ça de temps en temps!)  de se retrouver dans une classe très accueillante et chaleureuse,  qui l’a accueilli avec beaucoup d’affection et de curiosité, et l’a aidé à s’adapter très rapidement. Après un peu plus d’un an depuis son arrivée à Jérusalem, et avec les vacances en Italie et un voyage au Pérou au milieu, Mattia s’est recrée un cercle  d’amis, et ma maison est toujours pleine de jeunes  qui  réclament  les « pâtes à la Claudia » et qui nous empêchent de dormir la nuit en jouant de la guitare (et même ici, je dois parcourir des kilomètres en voiture parce que, pour changer, nous vivons dans un endroit un peu isolé !). Mattia est toujours en contact avec ses amis au Pérou, il est retourné leur rendre visite l’an dernier, et nous essayons d’en faire venir au moins un en Italie cet été. Il se parlent régulièrement sur Facebook et Messenger, ils suivent les événements des uns et des autres, ils se racontent leur vie, et je sais que ces liens, même si avec le temps s’affaibliront,  quelque part resterons pour eux toujours l’épine dorsale des premières aventures affectives en dehors de la famille.

 

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Alessandro avec les amis latinos à Lyon

 

Parfois Alessandro me dit que la seule chose qu’il critique dans cette vie que nous lui avons fait vivre est de ne pas avoir  d’amis d’enfance. Nous avons beaucoup parlé de ce sujet, et je crois le comprendre parce qu’il est vrai que pour moi c’est très agréable d’avoir des amis qui partagent mes souvenirs d’enfance et d’adolescence. Mais j’essaie de lui faire comprendre que les amitiés, les vraies, qui restent pour la vie, sont dans la plupart des cas celles qui se forment quand on est déjà plus grands et conscients de nos choix. Avec ses amis « du Pérou » (je les appelle comme ça parce que c’est là où il les a rencontrés, beaucoup sont français, belges, ou  franco-péruviens, le lien est très fort, et certains d’entre eux sont venus nous rendre visite en Toscane et même à Jérusalem. Ils sont tous comme lui, ont eu une vie errante, comme lui doivent trouver leurs racines dans d’autres contextes, et partagent des expériences passées dans des endroits très reculés du monde.

 

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Alessandro et deux amis du Pérou en visite en Palestine

Je termine par une dernière chose: comme dans tous les domaines de la vie, l’exemple que nous donnons à nos enfants est primordial. Par conséquent, il est très important, à mon avis, que nous, les parents, fassions tout ce qui est possible pour garder nos amitiés dans le monde, et que nous fassions sentir à nos enfants qu’il est possible de continuer à se sentir proches, même en étant loin. J’ai toujours fait des efforts pour rester en contact avec le plus grand nombre d’amis et d’amies possible, et je fais participer mes enfants à tous les événements qui marquent les vies de nos amis – ils sont ainsi tenus au courant des naissances, des changements de pays, des décès, mariages et divorces de tous nos amis. Notre vie est toujours remplie des noms de tous nos amis anciens et   plus récents, et ponctuée par les divers événements qui marquent leur vie. Un peu par hasard, mais certainement pas complètement, notre famille a donné vie à la tradition d’une fête tous les trois ans dans  notre maison, en Toscane. Nous en avons organisé une en 2005, une en 2008, et cette année pour la troisième fois rendez-vous en Toscane. C’est une opportunité fantastique au cours de laquelle nous nous réunissons avec des dizaines d’amis qui viennent de partout dans le monde, avec leurs fils et leurs filles. Un événement qui est devenu indispensable pour nos enfants qui, au-delà d’inviter leurs amis, profitent de la présence d’adultes, qui sont,  eux aussi, des amis. Bien sûr, tous n’ont pas la chance d’avoir une maison en Toscane, et de permettre de faire un voyage qui rend les gens heureux, et qui leur donne l’envie de nous retrouver et de passer des vacances dans l’un des plus beaux endroits au monde. Mais il y a bien sur d’autres manières de se retrouver – qui peuvent facilement devenir une tradition – qui peut être inventées, pour faire comprendre à nos enfants que l’amitié est importante, mais aussi que les vrais amis, bien que  très loin restent  pour toujours à nos côtés et proches de nous.

 

Claudiaexpat
Jerusalem 
Juin 2011

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