Home > Vie à l'étranger > Travailler en expatriation > Lily, une philippine qui travaille en Turquie

Nous vous proposons de découvrir l’envers du décor de l’aide domestique à travers l’expérience d’une jeune femme qui travaille en Turquie dans des familles expatriées depuis 13 ans.

Bonjour à tous,

Je m’appelle Lily. J’ai 32 ans. Je suis Philippine et actuellement je vis et travaille en Turquie. Je suis arrivée dans ce pays en 1993 et depuis j’y travaille comme employée de maison/nourrice à domicile. Pendant toutes ses années j’ai eu 4 employeurs principaux et aussi quelques jobs plus courts.

Le salaire est intéressant aussi je pense que c’est ce que j’aime le plus de mon emploi, j’ai aussi la chance de voyager de temps en temps (tous les frais étant pris en charge) et bien sur je rencontre des personnes très intéressantes. J’aime beaucoup la compagnie des enfants, c’est aussi un avantage si la famille qui m’emploie en a.

Ca n’a jamais été facile de vivre loin de ma famille, et bien sûr c’est très difficile de vivre avec des personnes ayant des points de vue très différents et d’une autre culture. Il faut souvent un peu de temps pour s’adapter à son environnement, à la nouvelle famille avec laquelle je vie et je travaille.

Dans ma famille (mais aussi dans ma culture) on enseigne aux enfants le respect, l’amour, l’obéissance, spécialement envers les personnes âgées (même si elles ne sont pas des membres de la famille). Ces 3 points sont ceux que je souhaite réellement transmettre et partager avec les enfants dont je m’occupe. Egalement j’essaie de leur apprendre à apprécier les petits plaisirs de la vie et le respect de la « grâce de dieu ».

Le matin je prépare les enfants pour leur départ à l’école. Une fois qu’ils sont partis c’est le moment pour moi de partager mon temps entre les diverses tâches ménagères comme le nettoyage, la cuisine et le repassage jusqu’à leur retour à la maison. Mais comme actuellement il y a un nouveau petit ange à la maison, nous allons nous promener le matin, nous jouons, nous mangeons et c’est lorsqu’elle dort que je peux accomplir mon travail. Certains jours il y a plus de travail que d’autres et inversement, il arrive même que je puisse surfer sur la toile si je n’ai pas beaucoup de travail. Quand les enfants rentrent de l’école, quelquefois je les aide dans leurs devoirs, puis vient l’heure du bain, du repas, l’heure du coucher et le temps pour moi de terminer avec la cuisine. C’est finalement assez simple pour tous du moment que les enfants sont habitués à leur routine.

L’espace que vous me dédiez ne serait être suffisant si je voulais vous raconter mes mauvaises expériences. Mais je pense que ce qui vous intéressera c’est de savoir ce que nous ressentons pendant ces mauvais moments, vous comprendrez plus facilement en vous imaginant à notre place, même pendant quelques minutes. Quelques uns des enfants avec qui j’ai travaillé m’ont dit qu’ils n’aimeraient pas être à ma place. Je ne sais pas pour mes employeurs car je ne leur ai jamais demandé d’être moi pour un moment. Ces mauvaises expériences m’ont enseignée de nombreuses choses, m’ont rendu plus forte et ont fait de moi une meilleure personne (je pense)…peut être devrais-je remercier les personnes qui m’ont rendu la vie si difficile.

– Quelqu’un vous a-t il déjà dit qu’il avait l’intention de dresser le chien afin de vous mettre en pièces ?
– Quelqu’un vous a-t il déjà insulté devant ses amis alors que vous serviez le thé tout en pensant que de toutes façons vous ne comprenez pas la langue parlée ?
– Avez-vous déjà reçu des mots comme « stupide », « idiot » ou « andouille » à la place de « merci » ou « s’il vous plaît » ?
– Avez-vous déjà lancé un verre à la tête de quelqu’un tellement vous en aviez déjà trop supporté ?
– Vous est-il arrivé de pleurer le soir venu, tellement vous étiez au bout du rouleau nerveusement et physiquement sans pouvoir en parler à une oreille amie ?
– Avez-vous déjà dû garder le sourire pour servir boissons et nourriture alors que votre cœur explosait de douleur parce qu’on vous avait qualifié de toutes sortes de mots que vous ne méritiez pas ?

Toutes ces choses je les ai vécues…quelquefois j’essaie de supporter autant que je peux, mais je dois dire que j’ai rendu la monnaie de leur pièce à certaines personnes (désolée je ne suis pas un ange). Certaines employées de maison et/ou nourrice que je connais ont été traitées de manière bien pire et souvent je me dis que finalement je suis assez chanceuse en comparaison avec certaines de ces filles.

Un jour une de mes patronnes a dit à son fils :

« tu n’as pas à écouter et obeir à Lily car elle vient de la province (pour certaines personnes venir de la province signifie « stupide »), elle est pauvre et ne sait pas comment sont les riches, c’est juste une employée »

Ainsi elle laissa son fils nourrir le chien à même son assiette laissant le tapis sale et huileux, tout ça parce que l’enfant ne voulait pas manger. A son retour, le père accompagné du beau père me réprimanda, mais heureusement le petit garçon expliqua que ce n’était pas ma faute, que sa Maman avait dit que Lily était pauvre et stupide et seulement bonne à être une employée de maison, qu’il n’avait donc pas à l’écouter. Le vieil homme (le grand-père) était tellement honteux ce ce qui venait d’arriver, qu’il s’excusa bien qu’étant un aîné. C’est un homme juste tout comme le mari…ils comprirent aussi pourquoi je ne pouvais pas rester après cet incident.

Ca n’a jamais été facile de dire « adieu »…quand vous travaillez comme employée de maison/nourrice à domicile vous vous attachez forcement que vous le vouliez ou non. Si vous travaillez avec des enfants, c’est quasiment impossible de ne pas s’attacher. Mais certaines de mes amies européennes qui travaillent comme nourrice, me disent que ce n’est qu’un job…ne t‘attache pas car tu n’es pas payé pour ça sinon tu seras blessé au final.
Il y a des familles à qui je dis « au revoir » sans un regard en arrière, et d’autres que j’appelle encore et à qui je rends visite.

Je ne peux pas conseiller ce travail à quelqu’un qui n’est pas patient et mature. C’est une grande responsabilité que de s’occuper des enfants de quelqu’un d’autre, et c’est un grand risque pour les 2 parties.

Je ne peux pas conseiller ce travail à quelqu’un qui ne sait pas obeir à des règles (règles de la famille chez qui vous travaillez). C’est un travail qui peut vous faire gagner de l’argent, mais dans lequel vous vous fatiguez physiquement et émotionnellement. Rien n’est facile dans ce monde, tout est risqué. Je n’imagine même pas ma sœur être employée de maison /nourrice aussi, c’est un travail dans lequel vous obtenez quelque chose mais vous y perdez aussi des choses…choses que l’argent ne peut acheter, des moments que l’argent ne pourra faire revenir.

Mes petits conseils aux employeurs :

– les apparences peuvent être trompeuses :
– assurez vous que votre employée/nourrice connaît les premiers secours à donner en cas d’urgence…si ce n’est pas le cas, enseignez-lui en quelques-uns
– n’oubliez jamais : nous vous traitons comme vous nous traitez
– un petit « merci » ou « s’il vous plaît » ne fait pas de mal
– réfléchissez bien avant de la traiter de « stupide » ou « d’idiote »…même si elle l’est !
– donnez lui le temps de s’adapter
– si vous pensez qu’elle ne vous comprend pas, parlez-lui calmement et lentement, crier ne ferait qu’envenimer la situation. Peut être qu’elle ne peut pas parler la langue que vous utilisez ou a des difficultés à comprendre votre accent.
– L’argent n’est pas tout, avoir une bonne ambiance à la maison est important
– Si vous pensez qu’elle ne nettoie pas comme vous le voulez, ne passez pas votre temps à la suivre dans la maison, ça vous rendra juste nerveuses toutes les 2, mais expliquez-lui calmement ce que vous souhaitez
– Si vous êtes une femme/maman de nature assez jalouse, alors peut être ne vaut-il mieux pas embaucher une employée de maison à domicile

Il est difficile pour les employeurs de trouver des employés de confiance, les apparences peuvent être trompeuses. C’est toujours un avantage si vous n’insultez pas votre employée même si elle ne comprend pas, un peu d’appréciation sur les petites choses ça aide, un « merci » et un « s’il vous plaît » avec un sourire ça compte, donnez-lui le temps de s’adapter, ça n’a rien de mal d’être proche de son employée mais ne partagez jamais de secret qu’elle pourrait facilement dévoiler (ne lui donnez pas de raisons de ragoter sur vous) et si vous n’êtes pas satisfaite d’elle c’est toujours plus simple de lui dire franchement plutôt que de lui laisser deviner.

Voilà je pense que c’est tout pour le moment, merci de m’avoir laissé cet espace.
Bonne chance.

Lily
Izmir
Juin 2006
Traduit de l’anglais par Poxy

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