Home > Famille et Enfants > Couples > Le conjoint et l’expatriation: ai-je bien mesuré les conséquences?
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Partir à l’étranger en tant que conjoint peut générer différents problèmes et des frustrations dont on ne mesure pas forcément l’ampleur avant une première expatriation. Je parlerai ici du conjoint au féminin car, en matière d’expatriation, c’est encore généralement la carrière de l’homme qui prime. Les théories sont évidemment valables pour les deux sexes, mais certaines nuances font que la problématique du conjoint masculin peut faire l’objet d’une étude à elle seule.

Avant le départ, l’épouse ou conjoint est occupée par les diverses démarches administratives et organisationnelles ; par les adieux plus ou moins douloureux et par l’excitation de cette nouvelle vie. Ce n’est qu’après quelques semaines, que seule (son conjoint devant habituellement prendre au plus vite ses nouvelles fonctions) au milieu de cartons et d’effets personnels en vrac, elle prend conscience des difficultés et challenges auxquels elle va inévitablement être confrontée. Elle réalise que même la satisfaction de ses besoins les plus primaires peut être compromise. Souvent, elle a l’impression d’être la seule à être confrontée à de tels sentiments.

Afin de dissiper cette erreur, j’aimerais évoquer la théorie des besoins formulée par Abraham Maslow (1954) et, sur base de cette théorie, expliquer les difficultés auxquelles il est normal que l’épouse ou partenaire expatriée soit confrontée.
Selon Maslow, tous les individus souhaitent satisfaire cinq catégories de besoins, classables par ordre d’importance, hiérarchie qu’il matérialise par une pyramide.

Tant qu’un besoin n’est pas satisfait, il va créer une tension génératrice d’une force qui poussera l’individu à agir (motivation). A partir du moment où il est satisfait, c’est le besoin du niveau supérieur qui apparaîtra comme une nouvelle source de motivation. Lorsque les besoins les plus essentiels ne sont plus assurés, l’individu mobilisera toute son énergie pour les satisfaire à nouveau. Ce processus, peut engendrer des frustrations, des regrets, de la nostalgie et, à terme, un risque pour la santé.

pyramide

  • Les besoins physiologiques, (air, sommeil, nourriture, boisson, reproduction de l’espèce, etc…)
  • Les besoins psychologiques de sécurité (protection, stabilité du domicile, de l’emploi,…)
  • Les besoins sociaux ou besoin d’appartenance (souhait d’être aimé et d’être intégré dans un
    groupe)
  • Les besoins d’estime (représenter une certaine valeur tant à ses yeux et à ceux des autres)
  • Les besoins d’auto-accomplissement (réalisation de soi, de ses potentialités, de ses dons)

La plupart des femmes qui sont amenées à suivre leur conjoint en expatriation ont, à l’âge adulte, atteint les niveaux supérieurs de la pyramide. Elles tentent généralement de satisfaire leur besoin d’auto-accomplissement, par leur travail, leurs hobbies et leurs activités quotidiennes.

Lors d’une expatriation, elles risquent de retomber soudain au premier échelon de cette pyramide. En effet, outre les problèmes de langue, certains pays ne partagent pas le même alphabet, ni même les produits de base ou les mesures. Faire des courses d’alimentation peut se révéler être un exploit dans ces pays. Quel soulagement pour certaines de reconnaître un fruit ou un légume familier à la vue ou à l’odorat!

Il y a aussi la peur des maladies transmises par l’eau, par les insectes ou par les aliments contaminés qui peut mettre en péril ce besoin physiologique de base. L’épouse devra s’adapter à ce nouvel environnement et mettre en place de nouvelles habitudes d’alimentation, de cuisson ou de lavage des aliments.

Et, enfin, il y a la recherche d’un logement, d’un nouveau « nid ». Cette démarche est souvent excitante dans un premier temps mais elle peut vite se révéler frustrante et déprimante ; il n’y a rien sur le marché pour le moment, la demande est plus importante que l’offre, les loyers sont beaucoup trop élevés et de charmantes personnes s’empressent d’offrir encore plus que vous. Les termes du contrat sont insensés, vous avez trop d’enfants ou un animal domestique qui fera qu’on préférera les  » autres « , histoire de vous culpabiliser un peu.

Ces premières difficultés ont lieu dès l’arrivée dans le pays, quand la femme, bien souvent, est fatiguée physiquement et psychiquement. Si elle n’est pas informée, soutenue et encadrée, son acclimatation risque d’être beaucoup plus difficile et ses chances de s’épanouir rapidement dans ce nouvel environnement sont compromises. Etant donné que l’adaptation et l’épanouissement de la femme auront une influence directe sur le travail et l’efficacité de son conjoint, l’employeur devrait systématiquement envoyer l’expatrié et son conjoint avant le déménagement, en reconnaissance. Ils pourront ainsi chercher un logement, des écoles et se familiariser avec le pays d’accueil, c’est ainsi que les chances de réussite de l’expatriation augmenteront. A l’arrivée, il est aussi recommandé que le couple puisse s’installer et déballer les cartons ensemble (une semaine de congé suffit généralement), la femme pourrait alors garder un peu d’énergie pour satisfaire dans un second temps, ses besoins sociaux.

Les besoins de sécurité peuvent devenir clairement insatisfaits et engendrer des problèmes à long terme. En dehors des problèmes de sécurité physiques qui peuvent se poser dans certains pays, l’épouse ayant abandonné son emploi peut se sentir très démunie et anxieuse par rapport à l’avenir . Bien que chaque personne ait une faculté d’adaptation et une résistance au stress différente, on constate que quitter un emploi pour suivre son mari à l’étranger implique une perte d’autonomie financière qui peut être difficilement supportable. Des questions par rapport à l’avenir, au divorce, à la pension, au veuvage peuvent générer de véritables angoisses. La personne absorbée par ces questions ne cherchera même plus à assouvir ses autres besoins et risque de très mal vivre son expatriation. Souvent, elle se retrouvera dans une des situations qu’elle appréhendait tant (phénomène de la prédiction qui se réalise). A force de ruminer, de vivre angoissée, stressée par rapport à l’avenir, la femme ne profitera plus des bons côtés du moment présent, des nouvelles opportunités et l’épouse souriante, dynamique et épanouie laissera rapidement la place à l’épouse angoissée, énervée et éteinte.

Les besoins sociaux peuvent aussi être difficiles à satisfaire lors d’une expatriation. La personne devra faire preuve d’une grande ouverture pour retisser des liens sociaux dans son pays d’accueil, quelquefois en discordance avec ses valeurs, sa culture. Elle a quitté sa famille, parfois un ou plusieurs enfants, ses amis et se retrouve seule ou en cercle familial restreint pour affronter la vie et les problèmes quotidiens. Elle devra recréer un environnement amical dans lequel elle est reconnue, aimée, ce qui demande beaucoup de volonté, de savoir-faire et d’énergie.
Dans plusieurs villes, il existe des associations organisant des activités et permettant ainsi aux nouvelles de rencontrer des personnes souvent riches en expériences diverses, de se familiariser avec le pays et de poursuivre une activité, un hobby. Ces associations sont des mines de renseignements et offrent un soutien fantastique.
L’apprentissage de la langue du pays d’accueil est certainement un facteur important pour faciliter l’adaptation. Les femmes informées sur les différences culturelles du pays d’accueil, pouvant jouir de cours de langue et connaissant l’existence des associations d’accueil auront plus de chance de s’adapter rapidement.

Le besoin d’estime ne pourra être comblé, dans un premier temps, qu’au sein de la cellule familiale. Mais cette cellule familiale se trouve dans une période de transition, détachée de ses liens précédents et pas encore attachée à sa nouvelle destination. Cette période est une étape obligatoire dans le processus de déménagement et va être éprouvante pour l’épouse. Elle se retrouve bien souvent « seule » face à des difficultés administratives, pratiques, organisationnelles et émotionnelles. Ces difficultés vont engendrer un niveau de stress élevé, géré différemment selon les individus, qui aura des répercussions sur l’ensemble de la famille. L’épouse pourra se sentir à la fois impatiente, curieuse et excitée par l’aventure mais en même temps inquiète, débordée, anxieuse, responsable du bien-être des enfants si elle en a, et parfois incapable d’assurer celui-ci. Cette période et ce mélange de sentiments sont propices aux tensions et frictions familiales qui peuvent altérer l’estime de soi de l’épouse. Il y a aussi cette terrible impuissance ressentie face aux enfants troublés, tristes de devoir quitter leurs amis, leur maison. Elles ressentent souvent la même tristesse, le même désarroi mais doivent raisonner en adulte et mettre en sourdine ces émotions pour permettre à la famille de se rééquilibrer.
Cette période est chargée en émotions et, poussées par la volonté de vouloir bien faire, de vouloir maîtriser et gérer au mieux la situation, ces compagnes se retrouvent parfois épuisées, démoralisées avec une envie de tout abandonner.
Les femmes qui ne quittent pas leur milieu, ne doivent généralement pas se remettre tant en question, penser à qui elles sont et pourquoi elles sont, tandis que toutes celles qui s’expatrient doivent régulièrement se repositionner en tant que personne dans un environnement étranger, se fixer de nouveaux objectifs, s’interroger et retrouver des buts dans leur vie. Ces périodes de doute, de recherche peuvent s’accompagner d’une baisse d’estime de soi. Un partage de ces sentiments, une prise de conscience de la normalité de ceux-ci aide à surmonter cette période.
Certaines épouses ont un rôle spécifique à jouer comme par exemple l’épouse d’un haut responsable d’une société ou d’un diplomate. Ce rôle peut être, dans certains cas, une source d’estime de soi, mais il est souvent ingrat car il n’est pas reconnu. Il aura donc tendance à enfermer l’épouse dans le statut « femme de … »qui ne favorise pas une valorisation en tant qu’individu.

Dans les pays de culture très différente ou les pays dit  » plus difficiles « , une communauté d’expatriés bien organisée prend généralement en charge le nouvel arrivant et offre une aide considérable pour son adaptation. Cette prise en charge aura des conséquences immédiates sur l’appartenance et l’estime de soi de l’épouse qui se sent écoutée, comprise (nous partageons souvent les mêmes sentiments), aidée et peut ainsi s’adapter et aider ses enfants à s’adapter plus rapidement. Lorsque l’épouse a trouvé ses marques, que les enfants commencent à avoir des amis et des projets, elle peut ressentir alors une certaine fierté, un bien-être et une envie d’aller de l’avant, de poursuivre son épanouissement. Cette période de transition dure généralement 8 mois à 1 an.

Le besoin d’auto-accomplissement ne pourra être envisagé que lorsque tous les autres besoins sont à nouveau partiellement satisfaits. Il est difficile pour une femme déménageant régulièrement de poursuivre sa carrière à l’étranger mais certainement pas impossible. Certaines carrières sont plus mobiles que d’autres et Internet offre aujourd’hui de réelles possibilités aidant à la poursuite d’une activité rémunératrice ou d’une formation depuis son domicile. Beaucoup de conjoints ont profité de leur expatriation pour s’enrichir d’autres connaissances (linguistiques, culturelles, créatives,…) et ont réussi, une fois la famille stabilisée, à donner du temps et du savoir-faire dans différentes actions de volontariat, dans des écoles ou encore dans la création ou la réalisation artistique. Il y a beaucoup d’opportunités de se réaliser en tant que femme d’expatrié et c’est parfois pour certaines l’occasion de réaliser des rêves ou de changer de carrière. Cela nécessite bien sûr une remise en question et une volonté de changer. Il est indispensable, dans une telle démarche, d’apprendre à se connaître, d’identifier ses connaissances, ses compétences et de les accorder avec son nouvel environnement. Mais peut-être est ce une chance d’en avoir la possibilité!

La prise de conscience de l’existence de ces différents besoins permet d’identifier quelques points importants sur lesquels l’employeur, l’expatrié et son épouse ont des moyens d’actions. Une expatriation réussie passe par une prise en considération de l’expatrié mais aussi de sa famille qui demandera une préparation spécifique et un accompagnement professionnel avant et pendant chaque déménagement.
Cette analyse montre bien que l’expatriation déclenche sur le plan psychologique un processus progressif, fait de rupture, d’adaptation, d’efforts et de patience, mais qui peut présenter aussi de réelles opportunités.

Cathleen de Kerchove
Transition consultant
New-York, Etats-Unis
Février 2004

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