Dans cet article Cathleen de Kerchove nous offre une réflection sur les amitiés et l’expatriation.
Avec les expatriations successives, il est bien difficile de garder ses amis, de voir partir certains et de se réinvestir constamment dans de nouvelles relations.
Dans cet article j’aimerais pousser la réflexion sur deux points qui font souvent l’objet de questions lors des séminaires de préparation à l’expatriation.
- Comment garder ses amis restés dans le pays d’origine ?
- Est-il possible de créer des liens amicaux durables en expatriation ?
Les amitiés laissées dans le pays d’origine peuvent souffrir de l’éloignement et du changement de situation des intéressés. Les réactions sont très diverses et varient avec l’intensité de l’amitié, la durée et d’autres facteurs plus personnels.
La plupart des amis se réjouissent sincèrement et partagent votre bonheur, vos doutes, vos angoisses. Certains pourtant réagissent violemment et remettent en question la relation construite pendant des mois, des années.
Ces réactions, souvent motivées par de l’incompréhension, un sentiment d’abandon, de trahison ou encore de la jalousie, nous laissent dépités, tristes et amers.
- Si elle/il était vraiment ma/mon meilleur ami(e), elle/il n’aurait pas réagi comme cela!
- Elle ne se rend pas compte comme c’est dur pour moi de partir, en plus elle me fait la tête
- Elle ne m’appelle plus, sort avec ses autres copines et me laisse tomber comme une vieille chaussette.
- Elle trouve que j’ai de la chance?… j’aimerais bien la voir… à ma place…!
- Loin des yeux, loin du cœur!
Face à ces commentaires quelles sont les réactions habituelles et possibles?
Le sentiment d’être victime, incomprise par ses proches domine souvent. Déçue, nous nous isolons. Nous sommes tentées de réagir en critiquant les autres, en les rejetant, les culpabilisant et par la même occasion en nous isolant encore plus.
Lorsque notre besoin de poursuivre la relation est fort, nous devons tenter d’entretenir la relation et de garder une communication vraie avec nos amis. Nous devons pouvoir exprimer nos besoins mais aussi écouter, entendre et respecter les leurs. Ce n’est pas nécessairement simple et il vaut mieux avoir quelques outils bien utiles. Je vous encourage pour cela, à lire des ouvrages sur la communication non violente (Voir bibliographie en bas de page).
Il est certain que cette période de préparatifs est émotionnellement éprouvante. Nous manquons de patience, de recul nécessaire et sommes noyés sous les soucis administratifs et organisationnels. Nous n’avons certainement pas besoin des reproches et culpabilisations de nos amis dans ces moments.
Tachons tout de même de garder en tête quelques questions élémentaires.
Les propos/réactions de mon ami(e) sont-ils bien ce que je crois qu’ils sont ?
Par exemple dans le cas de A. qui n’appelle plus B. depuis que B. lui a appris son départ à l’étranger.
- Il se peut que A. se désinvestisse de la relation pour différentes raisons qu’il conviendra d’éclaircir si les deux parties désirent poursuivre leur amitié.
- Il se peut aussi que A. doive digérer l’information et demande à être rassurée par un appel de B. Ce dernier pourtant campe sur ses positions, et pense que c’est à A. d’appeler.
Il est souvent préférable, avant de tirer des conclusions à la hâte de vérifier les informations sur des faits objectifs.
Quand l’amitié s’envenime, voici un petit échantillon de questions destinées à clarifier la relation et son devenir éventuel.
Quelle est ma responsabilité dans la situation actuelle de cette amitié ?
N’ai-je pas inconsciemment abusé dans les conversations en ne parlant que de moi, de mon projet et de ma joie/de mes angoisses ?
Quelles seraient mes réactions, mes émotions si j’étais à sa place ?
N’est-il pas normal que l’autre estime que c’est à moi de prendre l’initiative de la communication, puisque c’est moi qui suis parti?
Est-ce que je désire que la situation évolue ?
Comment puis-je agir dans ce sens ?
L’investissement personnel effectué dans ces relations d’amitié devra se poursuivre malgré les frontières.
L’informatique offre des possibilités exceptionnelles pour garder un contact régulier à moindre coût (Caméra, Skype, blogs, MSN,…)
Les échanges de mails permettent de garder un contact quotidien mais peuvent aussi générer des frustrations, des incompréhensions. Il vaut mieux confier ses difficultés pratiques d’adaptation à une copine sur place, qui comprendra vos préoccupation d’expatriée, qu’à celle restée à des kilomètres qui ne comprendra pas et ne pourra pas imaginer vos difficultés, qui à distance, peuvent paraître des caprices d’enfant gâté.
Invitez vos amis à venir découvrir votre nouvelle installation et consacrez-leur du temps, sans toutefois vous laisser « envahir ». Usez de tact et de diplomatie, lors des retours, il vous sera impossible de consacrer du temps à chacun en particulier. Fixez vos priorités, organisez une petite réunion avec la plupart d’entre eux.
Malgré tout, souvent, un décalage s’installe progressivement entre vous, votre nouveau style de vie et la plupart de vos « copains » restés au pays.
Il est cependant rare que les bons amis et les amis d’enfance disparaissent à cause d’une expatriation, mais il est vrai que l’amitié subit des adaptations et que nos attentes doivent aussi s’adapter.
Développer des amitiés à l’étranger est un réel besoin qui permet même, dans certains cas, la survie de la personne dans un pays de culture très différente.
Lorsque tout nous paraît étranger et hostile, l’amitié d’une personne, proche de nous par son expérience, nous apporte beaucoup de réconfort. Si au contraire, nous sommes confrontées à une amitié déçue dans ce genre d’environnement, souvent un milieu d’expatrié assez restreint, il conviendra d’essayer de réduire la relation inévitable, à des moments courts et courtois.
Le degré d’intensité des relations que nous faisons lors d’une expatriation varie en fonction de nos attentes, des intérêts éventuels communs et de l’alchimie que nous avons avec les gens au moment et dans l’endroit où nous les rencontrons.
Certains expatriés peuvent créer au cours d’une expatriation une/des amitié(s) très forte(s) qu’ils n’auront plus l’occasion de se refaire lors de séjours dans d’autres pays.
Les expatriés, devenus au cours des années presque immigrés, apprennent avec le temps, les déchirures et le chagrin des séparations successives à doser leur attachement. Ils apprennent à cibler plus rapidement les amis potentiels, ne gardent que les personnes avec lesquelles ils ont le plus d’affinité et se créent ainsi un nouveau cercle d’amis assez particulier.
A l’étranger lorsqu’une amitié naît, elle peut évoluer plus rapidement, de la relation régulière au cours de dîners, soirées,… à celle de partage de moments de vie agréables au cours de voyages, week-ends,… mais aussi de partage de moments plus difficiles, de soutiens dans les coups durs …
L’éloignement de la famille, des repères habituels, nous force à aller plus rapidement vers l’autre et à construire des amitiés différentes, parfois exceptionnelles. On peut parfois se montrer plus « vrai », car libérés de contraintes et à priori sociaux.
Les départs des uns et des autres entraînent toujours une souffrance et une obligation de réadaptation. Il est illusoire de penser qu’on gardera un contact régulier avec chacun des amis rencontrés, mais bien souvent ils restent dans nos cœurs avec l’ensemble des souvenirs liés à ce moment d’expatriation.
*Livres sur la communication non violente:
Marshall B. Rosenberg, Les mots sont des fenêtres (ou des murs), Jouvence éditions.
Thomas D’Ansembourg, Cessez d’être gentil, soyez vrai!, Les éditions de l’Homme.